Podcasts de la journée jeunes chercheurs :
« La construction de l’objet de recherche durant la thèse »
Ces podcasts s’inscrivent dans la continuité d’une journée d’étude jeunes-chercheurs organisée en octobre 2021 à l’UFR STAPS de Besançon au sein du laboratoire C3S. Pour sa première édition, cette journée s’intéressait à la manière dont les doctorants et doctorantes issus de certaines disciplines des sciences humaines et sociales avaient construit leur objet de recherche au cours de l’exercice de thèse. En histoire ou en sociologie, mais aussi sans doute dans d’autres domaines des sciences humaines et sociales, le passage du « sens commun » au « sens scientifique » nous semblait, de façon générale, difficile à effectuer, en particulier au moment de débuter ses premiers travaux de recherche. Qu’il s’agisse d’aborder les objets à partir des intuitions qui les ont initiés ou bien des difficultés liées à l’objectivation scientifique des données, cette journée devait permettre aux communicants et aux organisateurs de confronter leurs expériences. Comment appréhendez-vous ou avez-vous appréhendé la notion d’objet au cours de votre thèse ? Comment êtes-vous parvenu à construire votre objet ? Comment avez-vous réussi à modéliser et rendre intelligible vos pensées et intuitions ? Les témoignages recueillis dans les podcasts s’entendent sur le fait que l’exercice de thèse n’est pas un long fleuve tranquille mais prouvent également que les difficultés rencontrées n’empêchent pas la recherche d’avancée, qu’elles peuvent être contournées voire qu’elles peuvent même constituer l’enjeu central de la recherche.
Podcast 1 : Alix Boirot
De l’analyse d’un phénomène touristique à l’étude des masculinités : la lente maturation d’un objet de recherche
Alix Boirot est anthropologue associée au LAIOS (Laboratoire d’Anthropologie des Institutions et des Organisations Sociales). Elle a soutenu sous la direction d’Irène Bellier (EHESS) et Saskia Cousin (CESSMA) en décembre 2020 à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) une thèse d’anthropologie portant sur le phénomène du tourisme festif dans la station balnéaire de Lloret de Mar sur la Costa Brava espagnole.
Le travail d’Alix Boirot porte sur la station balnéaire de Lloret de Mar qui reçoit chaque été des milliers de jeunes Européen.ne.s attiré.e.s par son offre festive : bars, discothèques, maisons de passe. Cette pratique touristique donne lieu à de nombreuses critiques et est nommée en Espagne « turismode borrachera » (tourisme de beuverie). La vision dominante, scientifique et médiatique, réduit souvent les jeunes touristes fêtards à des amateurs de risques, dangereux pour eux-mêmes et pour les autres et/ou nie leur qualité de sujets (ils sont pensés comme une foule stupide et incontrôlable). Il existe peu de recherches qualitatives sur les expériences des jeunes touristes fêtards et Alix a donc décidé d’en faire le cœur de son sujet. Alix Boirot répond aux questions de Nicolas Voisin et nous explique comment le fait de ne pas aimer son terrain peut conduire à des questions épistémologiques fécondes.
Podcast 2 : Clémence Martin-Donati
Quand l’indétermination d’un objet de recherche oblige le chercheur à repenser son cadre théorique – Étudier l’hypnose en sociologue, d’une sociologie l’autre
Clémence Martin-Donati est doctorante en sociologie à l’IDHES Paris-Nanterre. Son travail de thèse sur l’hypnose contemporaine en France se situe à l’articulation de la sociologie des professions et de la sociologie des sciences.
L’intervention de Clémence Martin-Donati portait sur la manière dont un obstacle rencontré sur son enquête de terrain – à savoir la difficulté à appréhender un objet de recherche nommé hypnose – se révèle, dans les phases de construction de la problématique et de théorisation, contourné et source de résultats féconds. Les débuts de la recherche cherchaient à rendre compte de l’introduction de l’hypnose dans l’activité de travail de deux groupes professionnels : psychologues cliniciens et médecins anesthésistes. Il s’agissait d’analyser les déterminants de l’introduction de l’hypnose dans la pratique, les conditions et les finalités de son utilisation. Cependant, deux obstacles sont assez vite apparus, liés à la difficulté de circonscrire le terrain d’une part, et à observer la pratique étudiée d’autre part. En effet, Clémence Martin-Donati s’est aperçu que l’usage de l’hypnose par ces deux groupes professionnels ne pouvait s’analyser sans une prise en compte des autres groupes se saisissant également de cet outil, groupes avec lesquels anesthésistes et psychologues ont construit des relations faites simultanément de complémentarité et de concurrence. En répondant aux questions de Lucas Profillet, Clémence nous parle de la manière dont ces difficultés ont mis en exergue des mécanismes centraux dans la compréhension de son objet.
Podcast 3 : Valentin Pradelou
De quelques éléments sur la construction de l’objet de recherche en Analyse de Discours Contrastive appliquée à la presse francophone
Valentin Pradelou est actuellement en troisième année de thèse (il sera un tout jeune docteur à la fin de l’année 2022), au sein des laboratoire Culture, Arts, Littérature et Représentations Esthétiques (CLARE) et Centre d’Etudes Linguistique et Littéraire France-Afrique (CELFA). Sa thèse concerne essentiellement l’analyse de discours et la linguistique textuelle appliquée au champ médiatique, particulièrement au genre de l’éditorial.
Lors de la journée d’étude jeunes-chercheurs, Valentin Pradelou nous a présenté ses travaux portant sur les éditoriaux émanant de journaux francophones : Regard, revue roumaine visant l’actualité roumaine, et Le Devoir, quotidien visant l’actualité québécoise. L’éditorial fait partie du pôle du commentaire : il s’appuie sur un évènement central de l’actualité dans un cadre argumentatif. C’est un texte important en ce qu’il définit la vitrine idéologique du journal, et le positionnement idéologique de l’article est cautionné par une rédaction. L’éditorial considéré comme éminent va éviter l’usage des pronoms personnels comme JE ou VOUS, instaurant une tension forte entre journaliste et lecteurs. Son intervention visait à expliciter la modélisation d’un objet de recherche entre continuité et rupture vis-à-vis des travaux théoriques centraux dans le domaine. Il répond ici aux questions de Hugo Gerville-Réache.
Podcast 4 : Louise Benkimoun
Recueillir le consentement : charge théorique d’une démarche administrative
Louise Benkimoun est professeure de Lettres Classiques, agrégée de Grammaire et doctorante au laboratoire DyLIS (Dynamique du Langage In Situ) à l’Université de Rouen. Sa thèse s’intitule « Que peut la participation des élèves ? Analyse du fonctionnement linguistique et des implications éthiques d’une intuition didactique ».
La thèse dont il est question dans cette communication porte sur la parole des élèves, sur les interactions verbales en milieu scolaire. Louise cherche à décrire et comprendre la « participation » des élèves en croisant trois disciplines : la linguistique (suffit-il de parler pour participer ?), la didactique (pourquoi suppose-t-on que la participation favorise le rapport au savoir ?) et la philosophie éthique (à quoi touche-t-on lorsque l’on touche, comme enseignant·e, à la parole des élèves ?). Or, la loi oblige le/la doctorant·e à recueillir le consentement « explicite », « libre » et « éclairé » des sujets dont la voix et/ou l’image sont recueillies pour la recherche. En première année, Louise s’est heurtée au refus d’une partie des élèves, mineurs, et de leurs parents ; des refus liés à des causes expérimentales (liées à des erreurs dans son protocole) mais aussi des causes intrinsèques au terrain de recherche. À travers les questions de Willy Hugedet, Louise nous présente quelles solutions ont été expérimentées pour dépasser ces difficultés. Elle sera particulièrement attentive à la manière dont chaque solution expérimentée a contribué à construire différemment l’objet de recherche lui-même.
Podcast 5 : Marie Quarrey
Construire son objet par une fermeture de terrain : catégorisations administratives et enjeux terminologiques autour des contribuables expatriés et frontaliers en Suisse
Marie Quarrey est doctorante au laboratoire Société, Acteurs et Gouvernement en Europe (SAGE) à l’Université de Strasbourg. Ses recherches portent sur les politiques fiscales ainsi que le rapport ordinaire à l’impôt et à la légalité des contribuables frontaliers et expatriés français en Suisse.
Marie réalise une thèse sur le rapport à l’impôt des contribuables frontaliers et expatriés en Suisse. Deux terminologies dont elle a tenté de retracer l’évolution par la consultation d’archives internes financières depuis 1983, date de la ratification de la convention fiscale entre la France et la Suisse. Au gré des débats sur la coopération fiscale et sur la territorialité de l’impôt sur le revenu, se construisent deux catégories bureaucratiques issues de ces notions : résidents et non-résidents. Pourquoi sont produites deux catégories distinctes sur la base de la « résidence » du revenu ? Comment cette distinction est-elle comprise par les contribuables qui se déclarent expatriés et frontaliers ? L’observation d’un mois au sein de la direction des impôts des non-résidents, service de la DGFiP créé en 2017, est initialement guidée par une approche diachronique. L’enquête de terrain – revue des notes internes, dossiers personnels et statistiques – devait retracer l’évolution des demandes des contribuables non-résidents français en Suisse. Et, à travers elles, l’étude devait permettre d’historiciser la production de catégories référant à la source de l’impôt plutôt qu’au type de mobilité des personnes. En répondant aux questions de Orlane Messey, Marie Quarrey tâchera de nous éclairer sur les enjeux des différentes terminologies et la manière dont elle est parvenue à contourner (ou détourner) les secrets de l’administration suisse.